Lorsque l’on vit une période très difficile, souvent activée par un évènement de nature traumatique, nous pensons qu’il n’y a pas de solution, jusqu’à perdre confiance dans son propre corps, ce qui revient à se couper de son être puisque âme et corps ne sont pas séparés.
Nous pensons qu’il n’y a pas de solution car nous cherchons à nous sortir de cette situation douloureuse et que la solution ne peut être trouvée par notre pensée, et c’est d’autant plus compliqué que c’est elle dans ces moments-là qui régente tout, dans le but de nous protéger.
Or, et c’est compliqué à comprendre,nous vivons cette période difficile car une métamorphose est en cours destinée à nous faire évoluer et cette métamorphose nous demande de mourir symboliquement à notre ancienne vie, une métamorphose qui se fait selon un processus naturel, psychique et physiologique, sur lequel nous n’avons pas de prise.
Plus nous cherchons à comprendre, à contrôler, plus nous nous figeons dans l’ancienne peau qui de toute façon nous quittera. Cela ressemble à une descente auxenfers car la pensée ne fait pas la différence entre la mort symbolique et la mort réelle et le lâcher-prise est inopérant, provoquant instantanément un blocage par rapport à ce qui est vécu intérieurement comme un saut dans le vide. Et l’on ne peut rester non plus dans cette tour de contrôle qui nous rigidifie et nous mortifie.
La situation est tellement pénible àvivre que nous souhaitons une solution radicale pour en sortir, qui n’est pas la bonne solution car elle induit une violence supplémentaire que nous ne sommes pas à même de supporter et qui peut même empirer notre état.
La solution passe par un retour en douceur dans les sensations du corps physique et dans le monde des vivants.
Nous pensons que le passage qui nous est demandé de faire consiste d’aller à la rencontre de la mort ou de ce qui nous fait le plus peur dans cette vie, alors que c’est le contraire, nous sommes déjà à cet endroit et il nous est demandé de retourner à la vie, de se remettre progressivement en mouvement.
Ce mouvement, ce sont les émotions qui nous permettent de le retrouver car les émotions sont directement liées au vivant, à notre capacité à ressentir, c’est ne pas ressentir qui est inquiétant. Or, les émotions sont rarement bien accueillies, ni par nous-mêmes, ni par notre entourage. Elles sont souvent incomprises, jugées et rejetées. L’expression d’une émotion, lorsqu’elle est douloureuse, peut être perçue comme une complainte ou une victimisation dans une culture où l’on nous a longtemps
demandé de prendre sur soi et de reconnaître la chance d’être privilégié comparé à des pays miséreux ou à des temps de guerre ou de catastrophe naturelle.
Or, le monde des émotions dépasse largement l’individu qui les ressent. Il se peut même que le plus sensible d’un groupe sera le canal des émotions des personnes qui le constituent, les artistes étant les porte-paroles des émotions de la société, permettant à travers leur art d’être transcendées. Dans le monde artistique, personne n’y trouve à redire alors pourquoi est-ce si difficile dans nos cadres de vie « ordinaires » ?
C’est là que peut s’opérer notre propre transformation. Si c’était facile, la métamorphose ne pourrait pas avoir lieu, cela empêcherait le processus qui consiste à aller au plus profond de nous-mêmes pour y trouver la lumière qui semble tant manquer. C’est tout le paradoxe du processus, même dans la nuit la plus obscure, une petite lumière demeure, et même si elle est toute petite, elle n’a jamais été aussi vaillante. C’est elle qui a autorisé la plongée, c’est elle qui a promis de ne nous remonter à la surface. Elle s’appelle conscience.
Personne ne peut nous comprendre à cet endroit-là car nous-mêmes nous avons encore tout à découvrir. Personne ne peut nous encourager à persévérer là où eux-mêmes ne voudraient pas s’aventurer. Ceux qui peuvent nous aider sont ceux qui sont dans l’au-delà ou qui ont vécu des expériences similaires. Au plus profond de notre plongée, nous sommes à la porte de l’invisible, nous découvrons le secret de la mort qui se confond avec celui de la vie, nous découvrons ce qu’est le véritable amour. Nous savons qu’un nouveau chemin se crée à partir de lui. Nous savons qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Nous savons que lors de cette traversée où nous nous sommes sentis si
seuls, tout le ciel et ses messagers avaient été convoqués pour nous accompagner et ils nous disent de concert que nous sommes profondément aimés.
Progressivement, en plus de la reconnexion aux émotions et à leur expression, que facilite la musique, le retour à la vie se fait par la respiration, même si elle ne paraît pas naturelle, la respiration permet la reconnexion avec l’extérieur, rétablit un dialogue. Passer du temps dans la nature, être en relation avec l’élément eau, qui fait circuler, purifie et régénère, est évidemment primordial, se nourrir de la lumière
du soleil autant que possible qui est synonyme de vie, remettre le corps en mouvement, par la marche notamment, à son rythme.
Le corps a un rythme lent qui se braque lorsqu’on ne lui parle pas son langage. Le corps ne connaît que le langage de l’amour et un langage qui peut se passer de mots.
Les périodes difficiles que nous traversons sont difficiles car nous avons l’impression d’avoir perdu la communication avec l’amour, qu’il nous a oublié. Quand l’amour est là, l’épreuve est transformée
en grâce. Et si le sens était de reconnaître cet amour divin en chaque souffle, en chaque être vivant ?
Beaucoup de personnes âgées entémoignent à travers leur regard, elles savent qu’elles ne sont pas très loin de la mort, leur corps physique est amoindri, qui parfois les fait souffrir mais il y a une lumière en eux qui laissent entrevoir une foi absolue, une flamme dont on sait qu’elle ne peut par nature pas s’éteindre, de cette lumière qui a triomphé des ténèbres, de toutes les immondices de l’enfer sur terre.
C’est de cette lumière dont il faut se rappeler quand il semble n’y avoir plus aucun espoir. De tous ceux qui ont vécu ce désespoir jusqu’à leur dernier souffle et qui nous portent aujourd’hui. C’est cette mémoire qui nous fait vivre, celle qui forge notre humanité. Ce ne sont pas ceux qui prétendent la sauver, avec de grandes idées et de grands concepts, ce sont ceux qui l’auront vécu de tout leur être.
Parce qu’il y beaucoup plus grand que notre existence et que c’est cette découverte qui lui donne toute sa substantifique intensité.
Les périodes difficiles nous rappellent qu’elle ne peut plus être vécue par procuration. Nous sommes l’intensité tant recherchée, l’essence de la vie, son âme et son appel.
Elles sont le creuset de l'alchimie qui ne pourrait pas avoir lieu sans plomb. Elles sont le contenant de l'or qui se créé dans la densité de nos profondeurs. Elles sont la preuve de cette oeuvre intérieure en devenir.